Attentats de Paris

Gérard Dhotel, mon père, est parti le 27 mars 2015. Il n’a pas vu les terribles attentats de vendredi dernier (13 novembre). Comme nous tous, il aurait été infiniment triste et révolté. Et il aurait pris automatiquement sa plume pour écrire et pour expliquer. Il aurait parlé de l’événement, tentant d’expliquer ses causes, mais il aurait également eu un mot (ou deux) à propos de la réaction des politiques et du gouvernement. Il aurait pris le temps d’expliquer aux adultes et aux enfants. Vous pouvez d’ailleurs retrouver dans ses livres des propos qui pourront aider à appréhender l’horreur dont nous avons été victime (comment parler de l’Islam aux enfants, Aujourd’hui citoyen, Droits de l’enfant : droits devant, Non à l’indifférence). Mais mon père n’est plus là pour écrire. Modestement, je me permets donc aujourd’hui d’utiliser son site pour écrire à mon tour.

Requiem pour un deuil sans frontières

Horreur : n.f (lat. horror, de horrere, trembler; 1160). Action infâme, cruelle.

Massacre : n. m. (du lat. pop. matteucculare, tuer en frappant; 1080, « abattoir »). Action de tuer sauvagement et en masse des gens qui ne peuvent se défendre. Ex : le massacre de la Saint-Barthélemy à Paris, les massacres des déportés dans les camps de concentration. Synonymes : boucherie, tuerie, extermination.


Horreur et massacre. C’était ce vendredi soir, dans ce quartier populaire où nous avions l’habitude de sortir. C’était des gens normaux ou anormaux, des français et des étrangers, des jeunes, des vieux, des blancs, des beurs, des noirs, des bobos ou des populos, des métaleux ou de simples curieux. Ils étaient venus se distraire, profiter de la vie, jouir et aimer. Ils ont profité de leur Liberté, celle qu’on a encore et qu’on nous envie mais aussi celle qui provoque tant de haine et de jalousie. Destruction. Tout s’est arrêté. Fini. Pan pan et le noir, sans fin. Je pleure. Je pleure pour toutes ces victimes. Je pleure pour tous ceux qui ont survécu, les blessés, les familles, les témoins, nous tous. Le pire est entré dans notre vie, dans votre vie. La joie a probablement disparu, laissant toute place à la haine. Cette haine dont il faut se méfier, qu’il faut éviter, détruire, si l’on ne veut pas devenir comme eux. Pour combattre un monstre, il ne faut pas devenir monstre à son tour. Surtout qu’on l’a déjà été. Le massacre de la Saint-Barthélemy, les massacres des déportés, la guerre d’Algérie, les guerres « saintes » et plus récemment les victimes civiles dans les pays du Moyen-Orient… Cela ne vous rappelle rien ? Ne pas oublier. Voilà à quoi sert l’histoire.

Revenir aujourd’hui à un pays policier et répondre à l’atrocité de ce vendredi par la guerre est une erreur ! Œil pour œil, dent pour dent… Est-ce cela que l’on avons appris de notre histoire ? Notre pays est réputé être l’une des démocraties les plus respectueuses et les plus avancées en terme de droits humains. Cette réputation ne devrait pas être usurpée. Ce n’est pas la France qui a été attaquée mais notre façon de vivre : insouciante, frivole mais libre ! Libre le matin quand on se réveille, libre quand on lit son journal, libre quand on va travailler ou chômer, libre d’aller boire des verres et de critiquer le monde entier ! LIBRE ! Cette liberté effraye. Et c’est en partie pour cela que l’on nous tue. Prolonger aujourd’hui l’état d’urgence à trois mois et réviser la constitution va faire de notre Etat un Etat policier, et détruire par là même notre République démocratique. Etendre la répression, rendre notre Etat plus ferme, plus dur, moins juste, c’est signifier aux terroristes aujourd’hui qu’ils ont gagné ! L’équilibre liberté/sécurité était déjà précaire. Demain, il risque de disparaitre. Contrairement à des pays moins chanceux, en France il est possible pour n’importe qui de recevoir de l’instruction. On nous y apprend la tolérance et l’ouverture d’esprit. Dans notre pays tout homme est considéré comme un être humain et a des droits. En France, chaque personne a droit au bénéfice du doute, a droit à une seconde chance. Ces monstres, autrefois hommes, ont profité de ce système. Est-ce pour cela qu’il nous faut le changer ? Je ne le pense pas. On ne devient pas monstre par hasard. C’est en continuant nos efforts pour créer un système mondial juste que le monstre mourra de lui-même. Pas en l’attaquant sur son terrain. François Hollande parle d’augmenter les budgets militaires et le nombre de policiers. Mais qu’en est-il des budgets de la santé, de la culture et de l’éducation que l’on saigne depuis des années ? La culture et l’éducation sont essentielles afin d’endiguer cette contamination tragique. Nous devons attaquer le mal à la racine ! Et qu’aurait-on fait s’il y avait eu moins de personnel hospitalier, des infirmières épuisée par leur cadence de travail, et des professionnels moins bien formés ?

Les terroristes ne sont pas musulmans, ni chrétiens, ni athées. Ils ne sont pas arabes, français ou africains. Ils sont apatrides de par leurs actes et leur inhumanité. Ils sont cachés partout et dans tous les milieux. Ils peuvent être blancs, de bonne famille, discrets ou bruyants. Doit-on pour autant mettre un policier derrière chaque individu ? Doit-on laisser l’Etat et la police surveiller chacun de nos mails, chacun des sites vus, chacune de nos activités privées ? Parce que la démocratie est attaquée, doit-on la laisser être démontée, être détruite ?

N’oublions pas que les premières victimes de l’Organisation qui se dit « Etat Islamique » sont des musulmans. Particulièrement ceux d’Irak et de Syrie, que l’on accueille jour après jour parce que ce qu’ils vivent est cent fois, mille fois pire. Cela n’enlève en rien le caractère dramatique, horrible de l’attentat de Paris. Mais ne nous replions pas sur nous même et évitons la xénophobie tous azimuts encouragée par certaines de nos personnalités politiques. Elle ne conduira à rien de bien.

Cela serait une grave erreur. Il faut penser à chaque français atteint, mais aussi à notre pays attaqué, mais aussi à l’Europe touchée, mais aussi au monde entier aujourd’hui menacé ! On me dira que ce n’est pas avec des fleurs que l’on évite les morts. Mais est-ce la présence de militaires et de policiers, la baisse des droits, le retrait de nationalité qui ont évité et qui éviteront par la suite ces situations criminelles ? Je n’en suis pas sûr. Et j’ai au contraire peur qu’elle développe cette gangrène, et qu’elle contribue à semer cette haine destructrice. Il nous faut comprendre, pour que là s’arrête le pire. Et ne surtout pas devenir comme eux.

Maxime Dhotel, fils d’un grand humaniste.

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